Haïti : un chef de gang menace le pays de « guerre civile » en cas de maintien au pouvoir du premier ministre (2024)

  • International
  • Haïti

«Soit Haïti devient un paradis pour nous tous, soit [elle devient] un enfer pour nous tous», a déclaré Jimmy Chérizier, alors que Port-au-Prince est sous état d’urgence et couvre-feu. Après un déplacement international, le premier ministre, Ariel Henry, tente de rentrer dans le pays.

Le Monde avec AFP

Publié le 06 mars 2024 à 04h20, modifié le 06 mars 2024 à 20h45

Temps de Lecture 4 min.

  • Partager
    • Partager sur Facebook
    • Envoyer par e-mail
    • Partager sur Linkedin
Haïti: un chef de gang menace le pays de «guerre civile» en cas de maintien au pouvoir du premier ministre (1)

La défiance vis-à-vis du pouvoir devient de plus en plus menaçante en Haïti. «Si [le premier ministre] Ariel Henry ne démissionne pas, si la communauté internationale continue de le soutenir, nous allons tout droit vers une guerre civile qui conduira à un génocide», a déclaré, mardi 5mars, Jimmy Chérizier, surnommé «Barbecue», un chef de gang influent au sein du petit pays pauvre des Caraïbes en proie à de fortes violences.

«Nous devons nous unir. Soit Haïti devient un paradis pour nous tous, soit [elle devient] un enfer pour nous tous», a poursuivi cet ancien policier de 46ans, devenu chef d’une coalition de bandes armées surnommée «la famille G9», et visé par des sanctions des Nations unies (ONU). «Il n’est pas question qu’un petit groupe de riches vivant dans de grands hôtels décide du sort des habitants des quartiers populaires», a-t-il encore clamé, équipé d’un gilet pare-balles, portant une arme et entouré d’hommes cagoulés.

La situation «est plus qu’insoutenable pour le peuple haïtien», a réagi mercredi le haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme, Volker Türk, précisant que 1193personnes ont été tuées depuis le début 2024 à cause de la violence des gangs. Il a appelé au déploiement urgent d’une mission de soutien à la police nationale débordée, soulignant que «la réalité est telle que, dans le contexte actuel, il n’y a pas d’alternative pour protéger la vie des gens».

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés En Haïti, la capitale vit sous état d’urgence à cause de la violence des gangs: «Tout le monde a peur»

M.Türk, qui connaît bien Haïti pour y avoir travaillé dans le passé, a décrit un système de santé «au bord de l’effondrement», des écoles et des entreprises fermées, «des enfants de plus en plus exploités par les gangs». «L’économie est asphyxiée car les gangs imposent des restrictions aux mouvements de la population. Le principal fournisseur d’eau potable en Haïti a cessé ses livraisons. Au moins 313000personnes sont actuellement déplacées à l’intérieur du pays», s’est-il indigné. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir mercredi à huis clos pour évoquer la situation du pays. Maria Isabel Salvador, représentante des Nations unies en Haïti, leur fera à distance un point sur la situation.

Mercredi, les Etats-Unis ont appelé le premier ministre haïtien à «accélérer la transition» vers une nouvelle «structure de gouvernance» et à organiser des élections dans le pays en crise politique, dévasté par la violence des gangs armés. «Nous l’exhortons à accélérer la transition vers une structure de gouvernance renforcée et inclusive» censée permettre à Haïti de se préparer «de toute urgence» au déploiement d’une mission multinationale attendue «pour répondre à la situation sécuritaire» et «ouvrir la voie à des élections libres et équitables», a déclaré à la presse le porte-parole du département d’Etat Matthew Miller.

Les vols vers Port-au-Prince annulés

Les bandes armées, qui contrôlent des pans entiers d’Haïti et une grande partie de la capitale, Port-au-Prince, ont récemment annoncé se liguer contre le gouvernement et mènent des attaques contre des infrastructures et des sites stratégiques, profitant d’un voyage à l’étranger du premier ministre. La capitale est sous état d’urgence et couvre-feu depuis dimanche, après la libération par des bandes armées de milliers de détenus.

Des gangs armés ont attaqué, mardi, l’académie de police de la capitale haïtienne, après avoir tenté la veille de s’emparer de l’aéroport international Toussaint-Louverture. L’attaque contre l’académie, où plus de 800personnes sont en formation, a été repoussée par des policiers déployés en renfort, a déclaré Lionel Lazarre, coordonnateur du Syndicat national de policiers haïtiens (Synapoha).

Plusieurs personnes armées ont pris d’assaut un commissariat de police près de l’aéroport et l’ont incendié, selon la même source. Les troubles ont conduit les compagnies aériennes internationales à annuler tous les vols à destination de Port-au-Prince.

Lire aussi | A Haïti, état d’urgence etcouvre-feu aprèsl’évasion demilliers dedétenus àPort-au-Prince

Ces violences succèdent aux assauts lancés au cours du week-end contre deux prisons de Port-au-Prince, qui se sont soldés par l’évasion de milliers de détenus et une dizaine de morts. En réaction, le gouvernement a décrété l’état d’urgence et un couvre-feu nocturne de trois jours renouvelables jusqu’à mercredi inclus.

Le Monde Application

La Matinale du Monde

Chaque matin, retrouvez notre sélection de 20 articles à ne pas manquer

Télécharger l’application

Cette nouvelle «escalade» de la violence a forcé quelque 15000personnes à fuir leur domicile à Port-au-Prince, a dit, mardi à New York, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Stéphane Dujarric, précisant que les humanitaires avaient commencé à distribuer de la nourriture et d’autres produits de première nécessité sur trois nouveaux sites de déplacés.

Ariel Henry dans l’incapacité de rentrer

Après avoir été comme paralysée, la capitale a semblé malgré tout, mardi, reprendre un semblant d’activité, même si certaines rues restent barricadées par les pierres et les troncs d’arbres mis en place par les habitants pour se protéger, d’après des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP). Les transports fonctionnent à nouveau et les commerces ont rouvert. De longues files d’attente s’allongent devant les magasins, les banques et les stations-service.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés En Haïti, des manifestations meurtrières pour demander la démission du premier ministre, Ariel Henry

Ariel Henry, au pouvoir depuis l’assassinat, en2021, du président Jovenel Moïse, tente, de son côté, de regagner Haïti et a atterri mardi à Porto Rico, alors qu’il était en visite la semaine dernière au Kenya afin de signer un accord pour l’envoi de policiers kényans dans son pays dans le cadre d’une mission internationale soutenue par l’ONU et les Etats-Unis.

D’après le média local Radio Télé Métronome, Ariel Henry n’a pas pu rentrer à Port-au-Prince en raison du manque de sécurité à l’aéroport. Selon le média dominicain CDN, l’avion privé du premier ministre, en partance de l’Etat américain du New Jersey, a atterri à Porto Rico, territoire américain des Caraïbes, après s’être vu refuser un atterrissage en République dominicaine, pays voisin d’Haïti. Les relations sont tendues entre les deux pays.

Sheila Anglero, la porte-parole du gouvernement de Porto Rico, jointe par l’AFP, a précisé ne pas savoir si le premier ministre haïtien se trouvait toujours sur l’île.

Lire aussi | Le Kenya et Haïti signent un accord pour l’envoi depoliciers dans l’île

Haïti, pays le plus pauvre des Amériques, est confronté à une profonde crise politique, humanitaire et sécuritaire aggravée par l’assassinat de Jovenel Moïse, avec un processus politique dans l’impasse totale. Selon l’ONU, plus de 8400personnes ont été victimes de la violence des gangs en2023, ayant été tuées, blessées ou enlevées, «une augmentation de 122% par rapport à 2022».

Reconnaissant les exactions commises par des membres de gang, Jimmy «Barbecue» Chérizier aappelé, mardi, la société à aller de l’avant: «Oui, nous sommes conscients que les hommes armés ont commis des actes nuisibles à la société, mais (…) je pense que la société doit leur pardonner et s’unir pour repenser une nouvelle Haïti», a-t-il ainsi déclaré.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés «Quand ils ont démoli ma maison, je me suis évanouie»: le mur érigé entre la République dominicaine et Haïti s’étend

Le Monde avec AFP

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.

Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.

S’abonner

Contribuer

Réutiliser ce contenu

Services Le Monde

Découvrir

Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences Testez votre culture générale avec la rédaction du Monde Mots croisés, sudoku, mots trouvés… Jouez avec nous Gagnez du temps avec notre sélection des meilleurs produits Retrouvez nos derniers hors-séries, livres et Unes du Monde
Haïti : un chef de gang menace le pays de « guerre civile » en cas de maintien au pouvoir du premier ministre (2024)

References

Top Articles
Latest Posts
Article information

Author: Msgr. Refugio Daniel

Last Updated:

Views: 5552

Rating: 4.3 / 5 (74 voted)

Reviews: 89% of readers found this page helpful

Author information

Name: Msgr. Refugio Daniel

Birthday: 1999-09-15

Address: 8416 Beatty Center, Derekfort, VA 72092-0500

Phone: +6838967160603

Job: Mining Executive

Hobby: Woodworking, Knitting, Fishing, Coffee roasting, Kayaking, Horseback riding, Kite flying

Introduction: My name is Msgr. Refugio Daniel, I am a fine, precious, encouraging, calm, glamorous, vivacious, friendly person who loves writing and wants to share my knowledge and understanding with you.